L’un des plus beaux immeubles de Genève
 retrouve ses lettres de noblesse.

 

PAR SERGE GUERTCHAKOFF

L
’Art nouveau n’est que trop peu présent en Suisse. Le plus bel édi
fice témoin de ce style architec
tural est sans conteste la Maison
des paons. Construite entre 1902
et 1903 par les architectes Eugène Cavalli 
et Ami Golay, elle n’est protégée que depuis 1986. En étroite collaboration avec
 l’Office du patrimoine et des sites repré
senté par Sabine Nemec Piguet et Yves
 Peçon, le bureau d’architecture Domulor
a été mandaté en 2011 par CGi IMMOBI
LIER pour restaurer ses façades.

Ce splendide bâtiment a pourtant failli
 être démoli en 1960 pour y construire à 
la place un immeuble dénué du moindre 
intérêt. Lors d’une première restaura
tion, en 1973, les flèches des deux tours et
 les magnifiques vitrines des magasins du
 rez-de-chaussée ont été détruites.

Se trouvant le long d’un axe routier
 principal, ses façades subissent la pollu
tion automobile qui a imprégné la pierre 
mi-tendre en provenance du Gard. Une
 seconde rénovation, plus respectueuse de l’édifice, a été nécessaire en 1989.

Mais, du fait de sa pierre friable, certains
 détails de sculpture ont été rongés par la
 pollution.
 Œuvres d’Emilio Domenico Fasanino,
 les ondulations des sculptures commen
çaient à se désintégrer et la pierre formant
 les balcons à s’effriter. Sous la direc
tion de l’architecte Jean-Yves Ravier,
 une équipe formée de sculpteurs (atelier Cal’As), de tailleurs de pierre (entreprise Rocnat), de storistes et vitriers (Bativer),
 de peintres (Caragnano) est mise sur pied.
 Un sondage stratigraphique est effectué
 pour retrouver les couleurs d’origine des
 murs, des balustrades en fer forgé et des
 menuiseries. Les résultats de ces travaux
 montrent que la couleur d’origine de la
 peinture sur les pans de mur (jaune ocre)
 est estompée par plusieurs couches de 
peinture posées au fil du temps. Il faut
 donc intervenir sur la façade d’une façon
 artisanale pour préserver la matière. Un 
hydrogommage léger est effectué avec
 délicatesse par un expert afin de décras
ser la pierre mi-tendre. Toutes les parties
 sculptées sont «retaillées». Un ravalement est exécuté sur toutes les parties
 planes et non sculptées. Seuls le soubas
sement et les têtes des balcons formés de 
roche dure sont sablés. Les joints entre
 les pierres sont repris par la poudre de la 
même pierre qui constitue la façade. Bref, 
ce travail intensif aura duré près d’une 
année. Mais quel résultat!

BILAN IMMO LUXE . 4 juin 2012