La réfection des sculptures et des parties ouvragées du Grand Théâtre passe en mains vaudoises. Vif débat
Dans son emballage actuel, le Grand Théâtre ressemble à une oeuvre de l’artiste Christo plantée sur la place Neuve. Dans les faits, le chantier en cours qui se cache derrière les hautes palissades n’a rien de vraiment artistique: ça gratte en façade, ça grince tout autour. Le prestige du bâtiment, l’importance de sa restauration, le nombre de corps de métiers exigés ont attiré quantité d’entreprises à l’heure de l’ouverture des marchés publics. Compétition âpre parmi les soumissionnaires, du boulot pour les collèges d’experts chargés de l’attribution des travaux. Au final, les élus, des recalés et pas mal de recours devant la Chambre administrative. Pas contents, les électriciens et les décorateurs, les tailleurs de pierre et les sculpteurs de pierre. Ces derniers, indépendants et de cette ville, réunis en consortium, sont même en colère contre l’autorité adjudicatrice qui a écarté leur dossier au profit d’un entrepreneur en marbrerie installé à Morges. Réaction de mauvais perdants en apprenant que la mollasse genevoise s’apprêtait à passer en mains vaudoises ? Ceci n’est pas si simple. La tripe du sculpteur local connaît son patrimoine et raisonne de tête.
« On a voulu faire les choses dans les règles de l’art sans respecter ces mêmes règles lorsqu’il s’est agi de distribuer les notes aux trois concurrents en lice », affirme Pierre Buchs, l’un des membres du consorium.
Son confrère Vincent Du Bois pointe les « critères opaques et concrètement pas justes », notamment sur le plan éthique. « A une époque où le développement durable est une composante essentielle pour tout ouvrage public, j’observe que l’entreprise retenue, vue sa provenance, devra faire des trajets quotidiens considérables. »
Quant à la justification qui consiste à dire que le choix s’est porté sur l’offre la plus avantageuse économiquement pour la Ville de Genève, « elle ne tient pas la route non plus: trois des quatre sculpteurs de notre groupe sont installés à Genève et c’est bien à Genève que nous payons nos impôts. Les retombées économiques de ce contrat se muent donc en perte pour tous les acteurs locaux. »
Qu’est-ce qui alors a fait la différence aux yeux des évaluateurs? L’effectif que les deux groupes en lice mettent à disposition sur le chantier, retardé par les recours et pressé par le temps (le Grand Théâtre est censé réintégré son bâtiment en juin 2018). Soit quatre sculpteur qualifiés CFC pour Genève et 21 employés pour l’entreprise vaudoise, « essentiellement du personnel administratif et des marbriers », assurent les lésés, jugeant « extravagante » la différence de notation sur ce point.
Qu’en pense la Ville? Le conseille administratif Rémy Pagani répond ceci: « Les critères de pondération nous sont imposés par les règles internationales de l’accord GATT/OMC sur les marchés publics. Les critères de l’organisation du chantier, s’agissant des délais à tenir, sont dans le cas présent très importants. Je vérifie moi-même si les procédures ont été suivies et respectées. Dans le dossier d’adjudication ayant pour objet la réfection des sculptures et des parties ouvragées en façade du Grand Théâtre, tout était en ordre. Je m’en remets donc à la décision de justice qui nous donne raison. » Dans son arrêt du 21 juin, la Chambre administrative a en effet rejeté le recours du consortium des sculpteurs indépendants genevois.
Thierry Mertenat
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