Dans le cadre des Journées européennes des métiers d’art début avril, Vincent Du Bois a fait découvrir la sculpture sur pierre à des centaines de visiteurs du Musée d’Art et d’Histoire. L’occasion de s’émerveiller du savoir- faire de celui qui travaille aux frontières de l’artisanat et de l’art. Mais être un jour en lumière ne fait pas des 364 autres un chemin sans zones d’ombre…

C’est lors de la conférence de presse de ces mêmes journées que notre homme a pris son courage à deux mains pour exposer ses griefs: si le canton de Genève a un beau patrimoine, les prises de décision pour le rénover sont lentes à être mises en pratique.
On en veut pour preuve les sculptures en molasse des façades du collège Calvin: de ce riche ensemble rongé par le temps, truffé de chapiteaux, de têtes et de clefs sculptées, seules deux petites consoles ouvragées seront confiées à Vincent Du Bois et son collègue Pierre Buchs. Les métiers de la pierre sont variés et parfois mécompris. Pour cette raison, la plupart des commandes vont aujourd’hui aux tailleurs de pierre ou aux restaurateurs, deux corporations peu formées pour la sculpture; Vincent Du Bois signale simplement que «ce n’est pas le même métier».

Atelier d’artiste

Son métier touche d’ailleurs à bien des domaines. De par son parcours académique, Vincent Du Bois a engrangé des connaissances variées (Beaux-Arts aux Etats-Unis dont un master en sculpture à Chicago, géologie, etc.). En franchissant la porte de Cal’AS, son atelier à l’avenue du cimetière Saint-Georges, on est frappé par la diversité des oeuvres entreposées
partout. Il y a là des panneaux de circulation dont le sens a été détourné, un bouquet urbain de parcmètres qui fait référence au temps qui passe, du bois (eh oui!) qui pousse en rond ou en carré… et bien sûr de la pierre. Par exemple des oeuvres de la collection Miniland, réalisées avec différents artistes dont Sylvie Fleury, bien connue sur la scène genevoise. Cal’AS est en outre partenaire offi ciel des ateliers StonetouCH (éditions d’objets d’art et de design en pierres suisses).

Un homme libre

Beaucoup de ronds et de carrés dans cet entrelacs, «les deux formes avec lesquelles je travaille le plus». Un travail des mains, que Vincent Du Bois s’est senti frustré de garder dans ses poches lors d’études trop théoriques.
Un travail cérébral aussi, pour lier passé et présent, indépendance créative et mandats nécessaires des collectivités.
Il n’en faudrait pas beaucoup plus à Vincent Du Bois pour résoudre l’équation qui le tarabuste depuis bientôt trois décennies. Juste un peu plus de reconnaissance, de considération, si on veut que ce métier survive aux deux derniers sculpteurs sur pierre de la République. Notre patrimoine, et donc une partie de notre mémoire, en dépendent.
Pascal Sauvain

Les Nouvelles . 2014